Dix conseils aux femmes qui entreprennent ! Entretien avec Manoëlle Joos de ter Beerst
2017, c’était l’objectif que je m’étais fixé pour quitter ce job duquel j’avais fait le tour depuis quelques années et qui commençait sérieusement à m’ennuyer. Pas encore 40 ans et déjà l’impression d’être dans une routine professionnelle qui me nourrissait de moins en moins.
Survint un projet un peu fou impliquant un moulin, un déménagement, un changement de cadre. Quand on bouscule toute une vie, ça ressemble furieusement à une opportunité. C’est décidé : j’arrête de travailler, au moins pendant 1 an. Je me dédie totalement à nos deux têtes blondes, elles en ont sûrement besoin pour intégrer les changements en cours.
Trois mois passent : les caisses sont défaites, les têtes blondes sont à l’école, monsieur au bureau. Je m’ennuie ferme. Que faire de cette soudaine liberté ?
Il faut dire que les modèles qui nous précèdent ou nous entourent ont leur importance. J’ai été entourée dans mon enfance et adolescence par des femmes actives, dans le sens premier du terme. Ma mère en premier lieu, loin de l’image d’Épinal de la « mère au foyer », active dans une large communauté d’attention à l’autre, sans retraite en vue à ce jour. Ce soin apporté à la communauté me semble être une richesse de la vie de nos mères qui ne travaillaient pas au sens rémunérateur du terme, mais qui œuvrent depuis longtemps à maintenir du lien dans une société où l’individualisme semble guider nombre de nos semblables.
Me voilà libre de créer ce que je souhaite : une formidable opportunité à ne pas manquer. Je décide donc d’utiliser les compétences acquises dans mes précédentes vies professionnelles pour monter ma petite affaire : entreprendre la mise sur pied de ma propre activité, c’est exactement ce qu’il me fallait. Les chiffres européens sont assez similaires avec la réalité belge : seuls 30% des indépendants et des entrepreneurs sont des femmes. M’étant lancée dans l’aventure un peu en dilettante, je me rends compte, avec le recul, que quelques conseils n’auraient pas été vains pour mieux aborder ce virage. Notamment parce qu’une femme, une mère qui entreprend, fait face à quelques obstacles supplémentaires.
J’entreprends dès lors ici de vous partager, chères consœurs, la liste des 10 conseils que j’aurais aimé que l’on me prodigue au démarrage :
- Parler de ton idée dès que l’occasion se présente, cela permet de lui donner de la réalité, du concret et de la confronter aux perceptions de personnes qui vont la commenter, avec le prisme de leur expérience professionnelle et personnelle. L’intelligence collective est souvent porteuse, quel que soit le parcours de ton interlocuteur ou ses connaissances du secteur dans lequel tu entends prendre ta place.
- Intégrer un réseau professionnel du secteur visé pour travailler ton carnet d’adresses. Sors de chez toi, va à tous les événements qui se présentent et qui ont un lien avec ton activité. Cela permet de se faire connaitre auprès de ses pairs ainsi qu’auprès de clients potentiels. Quelques mains serrées, bons mots partagés et cartes distribuées peuvent avoir des effets de nombreux mois après. Sois patiente.
- Intégrer un réseau professionnel de femmes pour partager les idées, les doutes, les questionnements, créer de la confiance et de l’empowerment dans un esprit de sororité. Et apprendre de l’expérience des autres. Et construire des collaborations auxquelles tu ne t’attends pas.
- Ne pas attendre que ton business plan soit approuvé par de sages experts financiers depuis leur bureau, que tes formations complémentaires soient clôturées, que ton offre de service soit tout à fait cohérente, que ton site internet soit beau et joliment rédigé, etc. avant de te lancer. Après son lancement, ton activité va encore beaucoup évoluer. Tu apprends en même temps que tu travailles avec tes clients. Ose te lancer, te tromper et apprends de tes erreurs.
- Travailler ton « syndrome de l’imposteur », c’est-à-dire cette idée rarement justifiée, trop présente dans l’esprit des femmes, que nous ne sommes pas tout à fait légitimes dans ce que nous proposons. Ne pas craindre le doute mais l’utiliser comme une opportunité pour trouver des solutions et renforcer ton expertise. Il est légitime chez l’entrepreneur car moteur d’ajustements positifs et de nouvelles idées.
- Ce syndrome de l’imposteur passe aussi par travailler ton rapport à l’argent : eh oui, il va falloir facturer ton travail et, dès lors, demander de l’argent pour les compétences que tu mets à disposition de tes clients. Prendre conscience que la fixation de tes prix correspond notamment à la valeur que TU donnes à ton travail.
- S’assurer du soutien de ton entourage proche. Il est primordial pour te lancer. Mon mari est certainement mon meilleur soutien et mon « best colleague ever ». Il a sans doute été convaincu avant moi de l’intérêt et du potentiel de mon initiative. Sa présence pour écouter mes états d’âme sur un dossier ou une difficulté avec un client sont précieux.
- Célébrer les petites et grandes victoires, quelle que soit la manière avec laquelle tu aimes honorer les bons moments. Un restaurant en famille lors duquel les enfants pouvaient commander ce qu’ils voulaient, quelle que soit la quantité, avec le sourire amusé du serveur, reste gravé dans ma mémoire quand il se fut agi de célébrer la réussite d’une mission de longue haleine, plutôt risquée, dont je ne me pensais pas capable.
- S’entourer de professionnels dès que c’est possible. En effet, l’entrepreneur est généralement au four et au moulin : expert de l’IT, de la gestion comptable, des réseaux sociaux et de la commande de café. S’entourer de professionnels, c’est investir pour consacrer plus de temps au développement de ton cœur d’activité et de ton expertise.
- Travailler dans ton business au moins deux fois par mois, c’est-à-dire te poser sur tes chiffres, ton offre et tes perspectives. Vois ce que tu peux améliorer, déléguer, automatiser, simplifier, investir.
Au travail, mesdames !
Manoëlle JOOS de ter BEERST
www.itineraconsult.be