La guerre d’Ukraine n’aura pas lieu...

Nous l’avons tous espéré, si ardemment souhaité que nous sommes restés aveugles à la réalité. Et donc, la réalité de la guerre est revenue dans notre partie du continent. Nous nous sommes trop accommodés d’un grand et puissant voisin, qui ne partageait qu’une partie de nos valeurs, ou qui ne les a partagés que jusqu’au moment où nous avons développé une véritable forme de démocratie.

Notre liberté et le bien-être matériel et immatériel que, malgré ses excès, il engendre, sont ressentis dans ce système totalitaire voisin comme une menace existentielle. C’est bien notre gouvernance, notre démocratie et notre mode de vie que le Président Poutine ressent comme une mise en cause de la Russie, de sa mainmise sur le pouvoir et le système et donc sur la Russie. Si ce n’est contre nous qu’il est en guerre, c’est contre notre système, notre état de droit et nos libertés.

Nous connaissions depuis le début des années 2000 sa doctrine concernant la défense ‘des russes à l’étranger’ ; nous avons pensé qu’il se contenterait d’une politique comme celle de la Francophonie, du British Council ou du Goethe Institut. Nous avons jeté un regard trop romantique, naïf sur ses lamentations concernant la disparation de l’Empire Soviétique, ses références répétées à Staline, ses rêves de restauration de la Grande Russie. Nous savons que la seule aune à laquelle il se mesure est l’autre ‘superpuissance’, négligeant ostensiblement cette Europe en formation qui est peut-être prospère, mais divisée, lente dans ses prises de décision et faible.

Souvent, dans le cadre de l’Otan, je me suis immensément irrité de ces collègues américains qui disaient qu’ils nous offraient leur ‘leadership’ ; ma frustration provenait essentiellement du fait qu’on réalise bien vite que cela est exact. Pendant des mois avant l’invasion du 24 février, les USA ont très précisément prédit ce qui allait se passer. Nous n’avons pas voulu écouter, nous n’étions pas capables de les croire ; même si nous l’avions été, nous n’avions sans doute pas les moyens de réagir. Aujourd’hui encore, nous voyons que l’effort de guerre est essentiellement américain. Force est de constater que malgré l’effort considérable que l’Europe fournit dans ce conflit, nous manquons cruellement de matériel lourd, de munitions et de réserves. Rectifier nos erreurs du passé sera un effort de plusieurs années ; le risque que cela implique, c’est que la guerre pourrait durer également des années.

Si vis pacem, para bellum. L’actualité du précepte reste évidente. L’effort de guerre aura un coût évident, pour les Ukrainiens et les Russes, mais aussi pour nous. Alors que nous agissons pour notre sécurité et liberté, nous devons aussi, surtout penser aux moyens de terminer cette guerre. Les diplomates, dans toutes circonstances, doivent continuer à se parler ; c’est l’essence même de leur mission. Ils devront en outre être audacieux et inventifs. S’il est bien difficile d’imaginer ce qui mènera à la fin des hostilités, il nous faut déjà penser à ce qui devra l’accompagner.

Bien sûr la reconstruction de l’Ukraine. Mais aussi des garanties de sécurité pour l’Ukraine et pour la Russie, qui ploie sous une phobie historique à ce sujet. Des mesures de contrôle des armements et de désarmements, en remplacement ou complément de celles que nous avons laissé aller à vau-l’eau, ces dernières années. Un ‘reset’ et une relance des échanges économiques, industriels et scientifiques. Parmi les nombreuses autres mesures que nous devrons imaginer et mettre en œuvre, il y en a une qui me tient à cœur : nous devons agir et contribuer à l’évolution, à la modernisation de la société russe. A aucun moment lors de mes séjours en Russie, je n’ai eu l’impression que le Russe ne chérissait pas la liberté. Peut-être est-il trop souvent mené à penser d’abord à sa survie, à sa sécurité. Son patriotisme exemplaire lui fait trop souvent accepter ce qui est une grande manipulation, un mensonge : pour être grande et forte, pour être respectée, la Russie a besoin d’un pouvoir fort. Le mythe, c’est que le Président Poutine offre cela, alors que son pouvoir absolu, sans contrebalance d’un Comité Central ou Politbureau, ne fait que priver le Russe de sa liberté, du respect de son individualité.

Ce récit est mortifère, et c’est donc ce récit qu’il faut changer. Une décennie sous Gorbachev, et en partie sous Yeltsin nous montre que c’est possible. Dans un article récent (Le Soir du 22/01) Pascal Martin l’exprimait fort bien : « un récit sur ce que l’on vit, c’est la démocratie narrative. Le récit sur le que faire, c’est de la démocratie délibérative grâce à des débats informés ... Un récit sur des perspectives d’émancipations. Ne jamais oublier que sans récits il n’y a pas d’intelligence du monde. Les récits jouent un rôle essentiel dans l’évolution des sociétés. »

La Russie n’est pas grande par les abus de ses dictateurs, elle l’est par l’intelligence de sa population.

Vincent Mertens de Wilmars Ancien ambassadeur de Belgique à Moscou

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