Aucun dividende notable n’a encore été tiré de cette démocratie émergente. Le scrutin de 2006 pouvait encore conserver un semblant de conformité, où les flambées de violence ont été perçues comme les derniers soubresauts d’une transition ardue. Les exercices électoraux suivants, de 2011 et 2018, n’ont pas pu changer la donne.

Après la fraude monumentale de 2018, qui a rejeté de manière hautaine et cynique les résultats des élections et a "nommé" Félix Tshisekedi à la présidence, on espérait que les “maladies infantiles” de la démocratie appartiendraient au passé. La communauté internationale estimait qu’il ne fallait pas perturber la résignation du peuple et que la "real politik" méritait d’être privilégiée.

Mais cinq ans plus tard, le bilan n’est pas très reluisant. Pas de gratuité pour l’éducation primaire, peu de travaux d’infrastructure, encore plus de corruption, des institutions étatiques défaillantes, l’échec de la pacification de l’est du Congo, malgré toute la rhétorique anti-rwandaise. Tshisekedi a par contre réussi à imposer une révision des traités "léonins" avec la Chine.

Les élections du 20 décembre dernier ont-elles finalement proclamé un "aggiornamento" démocratique ? Les résultats ont octroyé à Tshisekedi un score de 73%. Dans les autres enceintes aussi, sa coalition de l’"Union Sacrée" a remporté de francs succès. Contrairement à 2018, il sera désormais difficile de soutenir que Tshisekedi ne peut pas prétendre à la victoire, même si le score de 73% ne semble pas particulièrement crédible. En revanche, il est très discutable qu’il puisse se prévaloir d’une légitimité démocratique inattaquable. En effet, beaucoup parlent d’un immense "chaos" et d’irrégularités flagrantes. Cette fois encore, les églises catholique et protestante ont publié un rapport très critique, sans toutefois remettre radicalement en cause les résultats.
(Pour une analyse approfondie de ce scrutin, voir Erik Kennes & Nina Willen, À quoi servent les élections en RDC, Egmont Policy Brief 329, Janvier 2024).

Les Congolais ne peuvent qu’espérer que le chef de l’Etat s’entoure de dirigeants compétents et intègres soucieux du bien commun et attentifs aux besoins d’une population très éprouvée.
L’ingéniosité congolaise sera nécessaire dans la recherche d’une authentique culture démocratique congolaise suffisamment enracinée dans les traditions, les coutumes et les pratiques locales.

C’est ainsi que s’enracinera la conviction que la démocratie est une valeur universelle qui doit être chérie partout et toujours, mais dont la mise en œuvre concrète est peut-être mieux laissée aux forces créatrices et positives au sein de chaque culture.

Si Tshisekedi & Co en prennent également conscience, les regards sur la situation n’en seront que plus cléments.